Écoféminisme : la relation unique entre la Terre et notre corps, 7 exemples.

Juin 6, 2025 | Voix féministes

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L’écoféminisme, mouvement à la croisée de l’écologie et du féminisme, propose une vision révolutionnaire de notre place dans le monde. En établissant des parallèles entre l’exploitation de la nature et l’oppression des femmes, ce courant de pensée nous invite à repenser fondamentalement notre rapport au vivant. Cet article explore comment l’écoféminisme nous guide vers une réconciliation profonde avec la Terre et nos corps, à travers sept dimensions relationnelles essentielles.

La relation historique : aux racines de la déconnexion

La séparation entre l’humain et la nature n’a rien d’universel ni d’inévitable. Cette rupture relationnelle trouve ses origines dans l’émergence de la pensée dualiste occidentale, qui a progressivement dissocié l’esprit du corps, la culture de la nature, le masculin du féminin. Les philosophes écoféministes situent généralement cette fracture à l’aube de la modernité, lorsque la révolution scientifique a conceptualisé la nature comme une machine inerte à dominer plutôt que comme un organisme vivant à respecter.

Carolyn Merchant, dans son ouvrage fondateur « The Death of Nature » (1980), analyse comment la métaphore mécaniste a remplacé la vision organique du monde, légitimant l’exploitation sans limite des ressources naturelles. Parallèlement, les chasses aux sorcières des XVIe et XVIIe siècles ont ciblé principalement des femmes détentrices de savoirs traditionnels sur la nature, les plantes médicinales et le corps féminin. Cette double violence – contre la nature et contre les femmes – partage une même logique de domination que l’écoféminisme s’attache à déconstruire.

Cette relation historique problématique s’est intensifiée avec l’industrialisation et le colonialisme, systèmes qui ont simultanément exploité les territoires conquis et marginalisé les savoirs autochtones, souvent détenus par des femmes. Comprendre ces racines historiques constitue la première étape pour reconstruire une relation plus harmonieuse avec notre environnement et nos corps.

La relation symbolique : déconstruire les associations nature-féminité

Notre imaginaire collectif regorge d’associations entre la femme et la nature : Terre-Mère, Dame Nature, métaphores de fertilité et de nurturing… Si ces symboles peuvent sembler valorisants, l’écoféminisme nous invite à les examiner de façon critique, car ils ont souvent servi à naturaliser l’oppression des femmes tout en justifiant l’exploitation des ressources naturelles.

La relation symbolique entre féminité et nature est profondément ambivalente. D’un côté, elle a pu renforcer l’idée que les femmes, comme la nature, sont destinées à être contrôlées, domestiquées, exploitées. De l’autre, ces associations offrent aussi des ressources imaginaires puissantes pour repenser notre rapport au vivant dans une perspective non-dominatrice.

Des théoriciennes comme Val Plumwood ont analysé comment le dualisme nature/culture a construit la nature et les femmes comme « l’autre » de la raison masculine. L’écoféminisme propose non pas de rejeter cette relation symbolique mais de la transformer, en valorisant les qualités associées au « féminin » (soin, interdépendance, cyclicité) sans les essentialiser ni les confiner à un genre spécifique.

Cette reconstruction symbolique passe par un travail sur le langage, les métaphores et les représentations. Elle implique de développer un imaginaire qui honore la nature comme sujet actif plutôt que comme ressource passive, tout en reconnaissant la diversité des expériences féminines dans leur relation à l’environnement.

La relation corporelle : réhabiter nos corps écologiques

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Nos corps constituent l’interface première avec le monde qui nous entoure. Pourtant, la culture occidentale nous a largement conditionnés à percevoir nos corps comme des machines imparfaites à contrôler, des objets séparés de notre « vrai moi » et de l’environnement. L’écoféminisme propose de restaurer une relation corporelle consciente avec la nature, en reconnaissant que nos corps sont nature, matérialité vivante en constant échange avec le monde.

Cette perspective transforme radicalement notre rapport à la santé. Les problèmes de santé environnementale – pollutions chimiques, perturbateurs endocriniens, contaminations alimentaires – affectent particulièrement les corps féminins et les systèmes reproductifs. L’écoféminisme établit des liens entre justice environnementale et justice reproductive, soulignant que le droit de vivre dans un environnement sain est indissociable du droit à l’autonomie corporelle.

La relation corporelle se cultive aussi à travers des pratiques concrètes : alimentation consciente, attention aux cycles naturels (menstruels, saisonniers), reconnexion sensorielle avec les éléments. Des pratiques comme le « rewilding » corporel invitent à désapprendre les conditionnements qui nous coupent de nos perceptions et intuitions naturelles.

Starhawk, figure majeure de l’écoféminisme spirituel, propose des rituels et méditations pour réveiller cette « conscience immanente » – cette capacité à ressentir notre appartenance au tissu du vivant à travers l’expérience corporelle directe. Cette relation incarnée constitue un puissant antidote à l’abstraction qui caractérise souvent notre rapport technologique au monde.

La relation épistémologique : vers des savoirs situés et incarnés

L’écoféminisme questionne profondément notre façon de connaître le monde. Il critique l’idéal scientifique d’un savoir désincorporé, détaché, supposément objectif car séparé de toute subjectivité. Cette épistémologie dominante a systématiquement dévalorisé les connaissances issues de l’expérience corporelle, intuitive et relationnelle – précisément celles traditionnellement associées aux femmes et aux peuples autochtones.

Donna Haraway propose le concept de « savoirs situés » pour dépasser cette fausse opposition entre objectivité et subjectivité. Une relation épistémologique écoféministe reconnaît que toute connaissance émerge d’un corps particulier, situé dans un contexte spécifique. Cette perspective n’abandonne pas l’exigence de rigueur, mais l’enrichit en intégrant la multiplicité des points de vue et en assumant la responsabilité de sa position.

Vandana Shiva, physicienne et figure majeure de l’écoféminisme, critique le « monoculturalisme de l’esprit » qui accompagne la mondialisation économique. Elle défend la biodiversité culturelle et cognitive face à l’hégémonie du savoir techno-scientifique occidental. Sa défense des semences traditionnelles illustre cette approche : ces savoirs agricoles, souvent détenus par des femmes, intègrent des dimensions écologiques, nutritionnelles et culturelles que l’agriculture industrielle a négligées.

Reconstruire notre relation épistémologique implique de valoriser ces « savoirs du soin » longtemps marginalisés : connaissances des plantes médicinales, pratiques de soin communautaires, savoirs-faire artisanaux, observations écologiques fines issues de la cohabitation quotidienne avec un territoire. L’écoféminisme nous invite à considérer ces connaissances non comme des curiosités folkloriques mais comme des ressources essentielles pour naviguer les crises contemporaines.

La relation économique : du modèle extractif à l’économie du soin

L’économie capitaliste repose sur une double invisibilisation : celle du travail reproductif (care, éducation, maintien du foyer) majoritairement effectué par les femmes, et celle des « services écosystémiques » fournis gratuitement par la nature. Cette relation économique exploitative traite tant la nature que le travail féminin comme des ressources infinies, disponibles sans coût et sans limite.

L’écoféminisme propose une reconceptualisation radicale de l’économie en plaçant le soin (care) au centre plutôt qu’à la marge. Des économistes féministes comme Marilyn Waring ont critiqué les indicateurs économiques dominants (comme le PIB) qui excluent systématiquement le travail non-rémunéré et les coûts environnementaux. D’autres, comme Julie A. Nelson, questionnent les fondements mêmes d’une science économique construite sur des valeurs culturellement masculines : compétition, indépendance, rationalité instrumentale.

Une relation économique écoféministe valorise l’interdépendance plutôt que l’autonomie, la suffisance plutôt que la croissance illimitée, la régénération plutôt que l’extraction. Elle se manifeste dans des initiatives comme l’agriculture soutenue par la communauté, les coopératives alimentaires, les systèmes d’échange locaux, ou les communs urbains – des modèles qui reconnaissent explicitement notre dépendance mutuelle envers les écosystèmes et entre humains.

Cette transformation économique exige également une redistribution équitable du travail de soin, aujourd’hui massivement assumé par les femmes. L’écoféminisme nous rappelle que prendre soin des personnes vulnérables et prendre soin des écosystèmes fragilisés relèvent d’une même éthique relationnelle, incompatible avec la logique d’exploitation du capitalisme extractiviste.

La relation spirituelle : réenchanter notre rapport au vivant

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Face à la désacralisation du monde naturel opérée par la modernité occidentale, de nombreux courants écoféministes proposent de réintroduire une dimension spirituelle dans notre relation à la Terre. Sans prôner un retour naïf à des traditions prémodernes, ils invitent à retrouver un sens du sacré ancré dans l’immanence plutôt que la transcendance – le divin comme présent dans la matière même du monde plutôt que comme entité séparée.

Cette relation spirituelle s’exprime notamment dans la réhabilitation de cosmologies qui reconnaissent l’agentivité du non-humain : les animaux, plantes, montagnes, rivières comme êtres dotés d’une forme de conscience et de dignité propre. Les théologies écoféministes, développées par des penseuses comme Rosemary Radford Ruether ou Ivone Gebara, réinterprètent les traditions religieuses pour y valoriser ces dimensions relationnelles et écologiques souvent occultées.

L’écoféminisme spirituel invite à des pratiques rituelles ancrées dans les cycles naturels et célébrant la corporalité plutôt que son dépassement. Ces approches permettent d’exprimer gratitude, deuil écologique et engagement politique à travers des formes d’incarnation collective qui dépassent le simple discours rationnel.

Cette dimension spirituelle a parfois été critiquée comme essentialiste ou régressive. Pourtant, comme le souligne Emilie Hache, elle peut aussi être comprise comme une « stratégie pragmatique » pour réactiver des capacités d’attention et d’émerveillement nécessaires à l’engagement écologique. Réenchanter notre relation au vivant ne signifie pas rejeter la science, mais plutôt reconnaître les limites d’une rationalité purement instrumentale face aux défis existentiels que posent les crises écologiques.

La relation politique : vers une démocratie écologique inclusive

L’écoféminisme n’est pas seulement une théorie mais aussi un mouvement politique qui articule luttes féministes, environnementales et décoloniales. Il s’est manifesté historiquement dans des mobilisations emblématiques comme le mouvement Chipko en Inde (où des femmes ont protégé des forêts en enlaçant les arbres menacés d’abattage), les actions contre le nucléaire à Greenham Common au Royaume-Uni, ou plus récemment les résistances autochtones contre les oléoducs en Amérique du Nord.

Ces mouvements partagent une conception relationnelle du politique, attentive aux interconnexions entre différentes formes d’oppression et privilégiant des modes d’organisation horizontaux, coopératifs et inclusifs. Ils révèlent comment la destruction environnementale affecte de manière disproportionnée les communautés déjà marginalisées, particulièrement les femmes racisées et/ou économiquement défavorisées.

Une relation politique écoféministe implique de repenser la démocratie pour y inclure les voix habituellement exclues, y compris celles des générations futures et des êtres non-humains. Des propositions comme les « parlements du vivant » ou les droits juridiques accordés à des entités naturelles (rivières, écosystèmes) incarnent cette volonté d’élargir notre conception de la communauté politique.

Cette approche politique valorise également les échelles locales et communautaires, sans pour autant négliger les enjeux systémiques globaux. Elle reconnaît l’importance de tisser des alliances entre mouvements sociaux divers tout en respectant la spécificité des expériences et des luttes situées. L’intersectionnalité, concept développé par les féminismes noirs, offre des outils précieux pour naviguer ces articulations complexes entre genre, race, classe et rapport à l’environnement.

La relation pédagogique : cultiver l’attention et l’émerveillement

Comment transmettre une sensibilité écoféministe aux générations futures ? Cette question éducative est cruciale face à l’urgence écologique actuelle. L’écoféminisme propose une relation pédagogique qui dépasse l’approche abstraite et désincarnée dominante dans l’éducation conventionnelle.

Cette pédagogie relationnelle encourage l’apprentissage par l’expérience directe de la nature, privilégiant le contact sensoriel avec le vivant dès le plus jeune âge. Elle valorise l’observation attentive, l’émerveillement, la curiosité plutôt que la maîtrise ou la performance. Des approches comme la « pédagogie par la nature » ou les « forest schools » incarnent cette vision où l’environnement n’est pas simplement un objet d’étude mais un partenaire éducatif.

L’éducation écoféministe reconnaît également l’importance des récits et imaginaires pour façonner notre relation au monde. Elle propose des contre-narrations aux histoires dominantes de conquête et d’exploitation, réhabilitant des figures féminines inspirantes dans l’histoire environnementale et valorisant les savoirs traditionnels souvent négligés par l’éducation formelle.

Cette approche pédagogique s’adresse aussi aux adultes, à travers des pratiques d’éducation populaire qui permettent de déconstruire collectivement les dualismes homme/femme, culture/nature, et de réimaginer des manières plus justes d’habiter la Terre. Des ateliers d' »écologie profonde », développés notamment par Joanna Macy, offrent des espaces pour exprimer les émotions difficiles face à la crise écologique et transformer le désespoir en engagement créatif.

Conclusion : vers une éthique relationnelle pour l’anthropocène

L’écoféminisme offre bien plus qu’une analyse critique des systèmes d’oppression interconnectés. Il propose une véritable boussole éthique pour naviguer les défis sans précédent de l’anthropocène. Cette éthique relationnelle reconnaît notre profonde interdépendance avec l’ensemble du tissu du vivant, sans pour autant nier notre responsabilité historique spécifique face aux crises actuelles.

Réconcilier notre relation à la Terre et à nos corps implique un processus de guérison à multiples niveaux : guérison des écosystèmes dégradés, guérison de nos corps intoxiqués par la pollution industrielle, guérison des traumatismes collectifs liés aux diverses formes d’oppression. L’écoféminisme nous rappelle que ces processus sont interconnectés et se renforcent mutuellement.

Cette vision relationnelle nous invite à dépasser tant l’anthropocentrisme arrogant que le désespoir paralysant face à l’ampleur des crises. Elle ouvre une voie médiane où notre réponse à la vulnérabilité partagée n’est ni le contrôle technologique accru ni l’abandon fataliste, mais plutôt une attention renouvelée aux capacités régénératives du vivant et aux possibilités de coopération interespèces.

En ces temps de bouleversements écologiques majeurs, l’écoféminisme nous rappelle que nous sommes nature, que nos corps portent la mémoire évolutive de milliards d’années d’adaptation créative à des conditions changeantes. Cette conscience incarnée de notre appartenance au monde naturel constitue peut-être notre ressource la plus précieuse pour réinventer des modes de vie viables sur une planète aux limites finies.

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