Sororité vs compétition : le pouvoir des 5 piliers de la sororité

Juin 4, 2025 | Voix féministes

groupe de femme vibrant la sororité à lille

La société moderne continue d’opposer les femmes entre elles, perpétuant des schémas relationnels néfastes qui entravent leur épanouissement collectif. Pourtant, la sororité émerge comme une force transformatrice capable de transcender ces dynamiques destructrices. Cet article explore comment passer de la compétition à la sororité authentique, en identifiant les mécanismes toxiques qui divisent et en proposant des alternatives constructives pour bâtir des alliances féminines puissantes.

La sororité face aux mythes de la compétition féminine

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La compétition entre femmes n’est pas innée mais culturellement construite. Dès l’enfance, les petites filles sont souvent encouragées à se comparer et à rivaliser, notamment sur leur apparence physique ou leur popularité. Ces comportements, loin d’être naturels, résultent d’un système patriarcal qui tire avantage de la division féminine.

Les médias et la culture populaire renforcent cette vision en dépeignant régulièrement des relations féminines basées sur la jalousie, la méfiance et la trahison. Ces représentations limitantes créent un terrain fertile pour l’intériorisation de ces comportements. La sororité1 propose de déconstruire ces mythes en reconnaissant leur origine structurelle plutôt qu’individuelle.

Une étude publiée dans le Journal of Social Psychology révèle que 78% des femmes interrogées reconnaissent avoir déjà ressenti de la compétition malsaine envers d’autres femmes, tout en aspirant paradoxalement à des relations plus authentiques et solidaires. Ce chiffre souligne l’urgence d’une transformation collective de nos schémas relationnels.

La compétition entre femmes se manifeste souvent de manière insidieuse, parfois inconsciente. Des remarques apparemment anodines comme « tu es belle pour ton âge » ou « tu es différente des autres femmes » cachent des comparaisons qui alimentent la division. Ces micro-agressions quotidiennes tissent la toile d’un système où les femmes se surveillent et se jugent mutuellement, détournant leur énergie de combats collectifs plus essentiels.

L’industrie de la beauté et de la mode exploite particulièrement cette dynamique, en créant constamment de nouveaux standards inatteignables et en encourageant l’auto-critique perpétuelle. La sororité invite à reconnaître ces mécanismes manipulatoires et à développer un regard critique sur les injonctions qui nous poussent à nous comparer.

La sororité comme pratique d’intelligence émotionnelle collective

La véritable sororité s’enracine dans une intelligence émotionnelle collective qui transcende l’individualisme compétitif. Elle invite à développer l’empathie comme antidote à la comparaison et au jugement.

L’empathie, pierre angulaire de la sororité, permet de reconnaître notre humanité partagée au-delà des différences apparentes. Pratiquer l’écoute active, sans interrompre ni minimiser l’expérience d’une autre femme, constitue un premier pas essentiel vers cette conscience collective.

La sororité nous invite également à observer nos propres déclencheurs émotionnels. Lorsque nous ressentons jalousie ou envie, ces émotions peuvent servir de boussole intérieure pointant vers nos propres insécurités et aspirations inexprimées. Les transformer en curiosité bienveillante plutôt qu’en hostilité permet de tisser des liens authentiques.

Cultiver cette intelligence émotionnelle collective nécessite un travail d’introspection régulier. Identifier nos propres schémas relationnels toxiques constitue une étape cruciale : avons-nous tendance à juger rapidement les autres femmes ? À les catégoriser selon des stéréotypes limitants ? À projeter nos propres insécurités sur elles ? Cette auto-observation bienveillante, sans culpabilité excessive, permet de transformer progressivement nos réflexes compétitifs.

Des outils concrets comme la communication non-violente peuvent soutenir cette démarche. Apprendre à exprimer nos besoins et nos émotions sans accusation, à formuler des demandes claires plutôt que des reproches implicites, permet de désamorcer les tensions qui peuvent surgir entre femmes. La sororité n’implique pas l’absence de conflits, mais plutôt une manière constructive et respectueuse de les traverser.

La sororité au quotidien : transformer les micro-pratiques

La théorie ne suffit pas : la sororité doit s’incarner dans nos comportements quotidiens. Elle commence par l’élimination du langage dévalorisant envers les autres femmes, qu’il soit explicite ou subtil, public ou privé.

La sororité s’exprime dans notre façon de nous adresser aux autres femmes, de parler d’elles en leur absence, et de réagir face aux commentaires négatifs à leur égard. Refuser de participer aux médisances, même lorsqu’elles semblent anodines, constitue un acte politique de résistance aux dynamiques divisives.

Plus concrètement, la sororité invite à célébrer les réussites des autres femmes comme des victoires collectives. Féliciter sincèrement une collègue pour sa promotion, partager le travail d’une artiste que l’on admire, ou simplement complimenter une femme pour ses compétences plutôt que son apparence sont autant de micro-pratiques transformatrices.

Adopter une posture de sororité au quotidien implique également de créer activement des espaces de soutien mutuel. Organiser des cercles de parole entre femmes, des groupes de lecture féministe, ou des ateliers de partage de compétences permet de construire des solidarités concrètes. Ces espaces, loin des regards masculins, offrent la possibilité d’exprimer ses vulnérabilités et de recevoir un soutien authentique.

Une autre dimension essentielle de la sororité quotidienne réside dans la manière d’exercer le pouvoir. Lorsqu’une femme accède à une position d’influence, elle peut perpétuer des dynamiques compétitives ou choisir délibérément de créer des structures plus horizontales et inclusives. Partager les ressources, les contacts et les opportunités représente une manifestation tangible de la sororité en action.

La sororité interculturelle : dépasser les privilèges et l’universalisme

Une sororité authentique ne peut ignorer les dynamiques de pouvoir qui traversent les relations entre femmes. Les différences de classe, d’origine, d’orientation sexuelle ou de capacités physiques créent des expériences d’oppression distinctes qui nécessitent d’être reconnues.

Les mouvements féministes ont parfois échoué à intégrer cette dimension intersectionnelle, privilégiant les préoccupations des femmes blanches, hétérosexuelles et socialement privilégiées. La sororité contemporaine exige de dépasser cet universalisme réducteur pour embrasser la diversité des expériences féminines.

Cette forme de sororité interculturelle implique un travail d’humilité et d’apprentissage continu. Elle nous invite à écouter les femmes dont les réalités diffèrent des nôtres, à reconnaître nos privilèges, et à utiliser ces derniers comme leviers de changement plutôt que comme instruments de domination.

L’histoire des mouvements féministes est jalonnée d’exemples où la sororité a échoué à cause de l’incapacité à reconnaître ces différences. Des autrices comme Audre Lorde, bell hooks ou Kimberlé Crenshaw ont brillamment analysé comment le racisme, le classisme et l’hétérosexisme ont créé des fractures au sein des solidarités féminines. Leurs travaux nous rappellent que la sororité doit être intersectionnelle pour être véritablement libératrice.

En pratique, cela signifie s’engager dans un processus d’éducation permanente sur les réalités diverses des femmes à travers le monde. Cela implique également de questionner nos propres biais et préjugés, même inconscients, qui peuvent entraver notre capacité à créer des liens authentiques avec des femmes dont l’expérience diffère de la nôtre. Cette sororité interculturelle s’incarne dans des alliances respectueuses où chacune reconnaît ses limites et s’engage à apprendre continuellement.

La sororité professionnelle : réimaginer l’ambition et le leadership

Le monde professionnel constitue souvent un terrain particulièrement compétitif pour les femmes, confrontées au « syndrome de la reine abeille » et à la rareté perçue des postes à responsabilité. La sororité professionnelle propose une alternative à ce modèle en redéfinissant l’ambition et le leadership.

Plutôt que de perpétuer un modèle masculin de réussite basé sur la domination et l’individualisme, la sororité professionnelle valorise la collaboration, le mentorat et l’entraide. Elle reconnaît que nous progressons plus efficacement ensemble que séparément.

En pratique, cela peut signifier partager des informations sur les salaires pour lutter contre les inégalités de rémunération, recommander une collègue pour une opportunité professionnelle, ou créer des espaces d’échange d’expériences et de conseils. Ces actions construisent un écosystème professionnel où le succès des unes nourrit celui des autres.

Le syndrome de la « reine abeille », largement documenté en psychologie sociale, désigne la tendance de certaines femmes ayant atteint des postes de pouvoir à se distancier des autres femmes et à adopter des comportements typiquement associés à la masculinité pour maintenir leur position. Ce syndrome révèle les limites d’une approche individualiste de l’émancipation : briser individuellement le plafond de verre ne transforme pas les structures qui maintiennent ce plafond en place.

La sororité professionnelle propose des stratégies concrètes pour contrer ce phénomène. Les réseaux professionnels féminins, formels ou informels, permettent de partager des conseils sur la négociation salariale, la gestion des microagressions sexistes, ou l’équilibre vie personnelle-vie professionnelle. Ces espaces offrent également la possibilité de développer des compétences de leadership qui intègrent des valeurs comme l’empathie, l’inclusion et la coopération, traditionnellement dévaluées dans les environnements professionnels dominés par des modèles masculins.

Le mentorat entre femmes constitue un autre pilier de cette sororité professionnelle. Contrairement aux relations hiérarchiques traditionnelles, ce mentorat peut prendre des formes plus horizontales et réciproques, où chacune reconnaît pouvoir apprendre de l’autre. Ce modèle de « mentorat mutuel » crée des dynamiques d’apprentissage collaboratif qui bénéficient à toutes les parties impliquées.

La sororité numérique : cultiver des espaces bienveillants en ligne

Les réseaux sociaux peuvent tant renforcer les dynamiques compétitives que servir d’outils d’émancipation collective. La sororité numérique vise à cultiver des espaces en ligne qui privilégient le soutien mutuel plutôt que la comparaison destructrice.

Concrètement, cela implique de modérer nos propres comportements virtuels : éviter de participer aux « hate-watching », ces pratiques consistant à suivre des personnes uniquement pour les critiquer; diversifier nos flux d’information pour inclure des voix féminines variées; et intervenir face aux discours misogynes en ligne.

La sororité numérique peut également prendre la forme de communautés virtuelles intentionnellement créées comme espaces de ressourcement et de solidarité. Ces groupes, qu’ils soient professionnels, créatifs ou militants, permettent aux femmes de partager expériences et conseils dans un environnement sécurisant.

L’ère numérique a intensifié certaines formes de compétition entre femmes, notamment à travers la culture de l’affichage permanent sur les réseaux sociaux. Les interfaces de ces plateformes, conçues pour maximiser l’engagement émotionnel, exploitent nos tendances à la comparaison sociale. Les algorithmes favorisent souvent les contenus polarisants et superficiels qui alimentent les jugements entre femmes.

Face à ces mécanismes, la sororité numérique propose des pratiques alternatives. Elle invite à développer un regard critique sur les contenus que nous consommons et partageons : privilégions-nous des représentations diversifiées et authentiques des femmes ? Relayons-nous des discours qui valorisent la compétition ou la solidarité ? Ce questionnement permet d’utiliser consciemment notre pouvoir d’influence numérique.

Au-delà des comportements individuels, la sororité numérique s’exprime également à travers des initiatives collectives. Les hashtags de sensibilisation comme #MeToo ou #PayMeToo ont démontré la puissance mobilisatrice du numérique pour créer des mouvements de solidarité transcendant les frontières. Les plateformes d’entraide professionnelle, les forums de soutien, ou les newsletters féministes constituent autant d’espaces numériques où la sororité peut s’épanouir.

La sororité transgénérationnelle : tisser l’héritage et l’avenir

Une dimension souvent négligée de la sororité est sa dimension temporelle, qui relie les générations de femmes entre elles. La sororité transgénérationnelle reconnaît l’importance de cet héritage tout en l’adaptant aux réalités contemporaines.

Valoriser la sagesse et l’expérience des femmes plus âgées, tout en restant ouvertes aux perspectives novatrices des plus jeunes, permet de créer une continuité féministe qui transcende les clivages d’âge. Cette forme de sororité s’incarne dans la transmission de savoirs, de récits et de pratiques qui nourrissent notre conscience collective.

Les cercles de parole intergénérationnels, les projets de documentation d’histoires de vie féminines, ou le mentorat bidirectionnel sont autant de pratiques qui concrétisent cette sororité à travers le temps.

Dans de nombreuses traditions, les femmes âgées occupaient une place essentielle dans la transmission des connaissances spécifiquement féminines, notamment autour de la maternité, de la santé reproductive, ou des rituels de passage. La modernité a souvent rompu ces chaînes de transmission, créant un fossé entre les générations. La sororité transgénérationnelle propose de renouer ces liens précieux tout en les adaptant aux contextes contemporains.

Cette forme de sororité invite également à dépasser les stéréotypes âgistes qui opposent les différentes générations de femmes. Les médias perpétuent souvent l’image de conflits intergénérationnels, présentant les féministes plus âgées comme dépassées et les plus jeunes comme superficielles. Ces représentations divisives masquent la réalité des convergences et des apprentissages mutuels qui peuvent exister entre femmes d’âges différents.

L’histoire des luttes féministes constitue un patrimoine commun que la sororité transgénérationnelle aide à préserver et enrichir. Connaître les batailles menées par nos aînées permet d’éviter de réinventer constamment la roue, tout en identifiant les points aveugles de leurs approches. Cette conscience historique nourrit une sororité plus lucide et stratégique, ancrée dans une temporalité longue plutôt que dans l’immédiateté des réseaux sociaux.

La sororité familiale : transformer les relations mères-filles et entre sœurs

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Les relations familiales entre femmes sont souvent ambivalentes, mêlant amour profond et rivalités douloureuses. La sororité familiale propose de transformer ces dynamiques complexes en reconnaissant leurs racines systémiques plutôt qu’individuelles.

La relation mère-fille, particulièrement intense, porte souvent le poids de projections et d’attentes démesurées. Dans une société qui responsabilise excessivement les mères tout en dévalorisant leur travail, les tensions intergénérationnelles peuvent facilement émerger. La sororité invite à contextualiser ces difficultés relationnelles dans leur cadre social pour dépasser les reproches personnels.

Entre sœurs biologiques ou choisies, la compétition pour l’attention, l’affection ou la reconnaissance peut créer des blessures durables. Pourtant, ces liens présentent un potentiel unique d’alliance et de soutien inconditionnel. Cultiver une sororité familiale implique de reconnaître les mécanismes qui ont pu nous mettre en concurrence et de choisir consciemment des modes relationnels plus collaboratifs.

La sororité familiale s’étend également aux familles recomposées, où les relations entre belles-mères, belles-filles et demi-sœurs sont souvent compliquées par des loyautés divisées et des préjugés tenaces. Déconstruire les archétypes de la « méchante belle-mère » ou de la « belle-fille ingrate » permet d’explorer des possibilités relationnelles plus authentiques et épanouissantes.

Cette dimension de la sororité touche particulièrement à nos blessures d’enfance et à nos modèles relationnels les plus profondément ancrés. Elle nécessite souvent un travail thérapeutique personnel pour identifier et transformer les schémas toxiques hérités. Ce travail, bien que parfois douloureux, ouvre la voie à une libération intergénérationnelle qui bénéficie à toute la lignée féminine.

Conclusion : la sororité comme révolution relationnelle

Dépasser les schémas relationnels toxiques entre femmes n’est pas seulement une question de bien-être individuel, mais une nécessité politique. La sororité représente une force transformatrice capable de contester les structures qui bénéficient de notre division.

Cette révolution relationnelle exige patience et persévérance. Nous avons toutes intériorisé des comportements compétitifs qu’il faut progressivement déconstruire. La sororité n’est pas un état parfait à atteindre, mais une pratique quotidienne, imparfaite et en constante évolution.

En cultivant la sororité dans nos vies personnelles et professionnelles, nous créons les conditions d’une libération collective. Ensemble, nous pouvons réimaginer des relations féminines fondées non plus sur la comparaison et la rivalité, mais sur la reconnaissance mutuelle et la célébration de nos singularités.

La sororité ne se limite pas à un sentiment abstrait de solidarité, mais constitue une praxis transformatrice qui modifie concrètement nos relations et nos institutions. Chaque geste de soutien, chaque refus de la médisance, chaque alliance stratégique entre femmes contribue à tisser une toile de résistance face aux forces qui nous divisent.

Cette révolution relationnelle commence par nous-mêmes mais se propage comme une onde de transformation. En modélisant des relations de sororité authentiques, nous inspirons d’autres femmes à explorer ces possibilités. Les jeunes générations, en particulier, bénéficient d’exemples concrets de solidarité féminine qui contredisent les messages divisifs omniprésents dans la culture dominante.

La sororité nous invite finalement à réimaginer le pouvoir lui-même. Plutôt qu’un pouvoir sur les autres, elle valorise le pouvoir avec les autres – un pouvoir partagé, multiplicateur plutôt que diviseur. Cette conception alternative du pouvoir ouvre des possibilités inédites de transformation sociale où la collaboration remplace la compétition comme paradigme relationnel fondamental. de nos singularités.

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